D’architectures N°257

Publié le 02 octobre 2017
Éditorial / Analphabètes

À écouter les architectes, beaucoup de maires s’arrogent le droit de vie et de mort sur leurs projets – notamment pour les logements –, réfutant tel lauréat d’un concours ou exigeant de modifier tel projet jugé trop HLM (comprendre contemporain). L’arbitraire de quelques petits barons ignorants qui demandent à changer la couleur d’un enduit ou la forme d’une toiture est courant. Malheureusement, les architectes n’osent que rarement témoigner publiquement de ces abus de pouvoir. Notre enquête montre cependant que la réalité est plus complexe. On y découvre que l’architecture est surtout instrumentalisée à des fins électorales. Ainsi des recours de plus en plus fréquents déposés par des citoyens contre une opération. Ils sont bien souvent déclenchés en sous-main par l’opposition municipale, un système fort répandu aujourd’hui, à gauche comme à droite. Lorsque celle-ci parvient à se faire élire, elle peut alors stopper les projets en arguant de sa légitimité démocratique.
Le lancinant problème de l’analphabétisme des édiles en matière d’urbanisme et d’architecture est donc loin d’être la seule explication de la médiocrité de leur choix et de la destruction de notre environnement urbain et rural qui en découle.
On ne demande d’ailleurs pas aux maires d’avoir du goût. Les rares élus exemplaires en politique architecturale – des petites aux grandes villes – avouent volontiers leur incompétence en la matière, ayant compris que leur rôle ne relève pas de l’ordre du jugement esthétique. L’intelligence politique consiste plutôt à choisir les professionnels qui sauront les éclairer, comme ils le font naturellement en matière de gestion financière ou de santé publique.

EMMANUEL CAILLE

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