D’architectures N°274

Publié le 03 septembre 2019
Calimero et le promoteur

Les architectes aimeraient bien concevoir leurs projets uniquement en fonction des usages, du contexte, des matériaux et du budget. Pourtant, leurs plus lourdes contraintes proviennent souvent d’ailleurs, de la part d’acteurs plutôt ignorants de ces questions : les maires et les promoteurs. Même s’ils sont bien intentionnés, on sait que la grande majorité des maires sont incompétents en matière d’architecture et d’urbanisme. Quant aux promoteurs, s’ils connaissent mieux que chacun les ressorts financiers de l’immobilier, ils sont généralement ignorants en ces matières ; la raison en est simple : on ne choisit pas d’être promoteur pour l’art ou le bien public mais pour faire des profits, comme on vendrait des aspirateurs. L’architecte croit construire pour l’éternité quand le maire le fait pour la durée de son mandat et le promoteur pour le temps de vente de ses « produits immobiliers ». Car contrairement à l’achat d’aspirateurs, on achète rarement deux fois dans sa vie à un même promoteur. En clair, si son produit vous a déçu, il s’en fiche un peu. Notre paysage urbain est donc presque toujours le fruit d’acteurs ignorant l’art de construire et d’aménager le territoire et qui ne se sentent aucune responsabilité quant à la valeur de ce qu’ils lèguent à la communauté.
Une fois brossé cet accablant tableau et chanté une fois de plus la complainte de Calimero l’architecte, on se doit évidemment de nuancer l’accusation, surtout depuis que la commande publique de logement s’est effondrée pour laisser la main à la promotion privée. Il y a désormais quelques promoteurs qui s’intéressent à l’architecture et pas seulement dans le seul but d’obtenir le permis de construire auprès de maires éclairés ou bien conseillés, mais aussi parce que certains ont compris que la qualité pouvait faire vendre, voire même être rentable !
Le logement de masse doit-il pour autant demeurer un lieu d’expérimentation architecturale ? Si les promoteurs sont terriblement conventionnels, ils ont aussi beaucoup de retours d’expérience, ce qui n’est pas le cas de la plupart des architectes qui conçoivent leurs logements selon leur propre mode de vie – qui est rarement le même que celui de ceux qui y habiteront. Nous avons en cette rentrée enquêté sur les nouveaux rapports entre architectes et promoteurs, constatant que si des menaces pèsent réellement sur la valeur accordée à l’architecture du logement, les choses changent, et parfois en bien.

Emmanuel Caille


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