BIG #193

Publié le 03 mars 2023

Le code a changé

Fin de cycle ou fin d’un monde ? En tout état de cause, la période est aux grandes tectoniques des plaques. Dans un environnement relativement inédit, l’immobilier se débat entre tant d’injonctions contradictoires qu’il lui est parfois difficile de garder le cap. Les conditions financières – avec une hausse brutale des taux d’intérêt et une volatilité forte – ont changé. Les conditions économiques – avec le retour de l’inflation que les moins de 25 ans ne peuvent pas connaître – ont changé. Les conditions géopolitiques – avec la guerre entre l’Ukraine et la Russie qui alimente notamment des tensions sur l’énergie – ont changé. Ce sont ces ruptures de cycles que l’industrie immobilière traverse de front.

Le grand écart est partout. Sur le front des segments, le marché de l’investissement est à l’arrêt tandis que le marché de la location bat des records jamais atteints à Paris intra-muros et se lamente une fois le Périphérique passé. Sur le front des classes d’actifs, les trajectoires des produits s’affolent. On crie haro sur les centres commerciaux et on alerte sur la surchauffe du produit logistique. On se dispute pour emporter de l’hôtellerie et de la résidence gérée pour compenser l’absence chronique de logements dans les portefeuilles des investisseurs alors même que la pénurie est installée et organisée sur ce marché. Quant au bureau, que déduire d’un actif parisien qui tutoie les sommets quand d’autres, moins bien placés, dévissent lourdement. À l’heure où la France pourrait se diriger lentement, mais sûrement, vers de nouveaux modes et de nouveaux temps de travail. Sur le front des acteurs, enfin, la transition est en marche, hésitant encore entre une industrie d’héritage et le monde des PropTechs dont les survivants profitables sont finalement peau de chagrin.

L’immobilier vient de changer de cycle, ou plutôt de monde, celui de l’argent facile et des valorisations élevées, ouvrant une période d’incertitudes, mais aussi d’opportunités où une nouvelle échelle de valeurs devrait s’instaurer. C’est peut-être le retour d’une certaine hiérarchie des actifs, des prix et des stratégies. Aucun acteur de l’immobilier local ou global ne pourra en tout cas faire l’économie d’une stratégie ESG. Après le malthusianisme des années 1980, la destruction créatrice de valeur des années 2010, les prochaines décennies se construiront dans l’immobilier à l’aune du nouveau « driver » du changement climatique, pour reprendre la comparaison avancée par Béatrice Guedj, Head of Research chez Swiss Life Asset Managers.


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