D'architectures n°247

Publié le 01 septembre 2016
ÉDITORIAL / Power to the people vs Trump Tower

On pourrait s’amuser à composer une vision manichéiste du monde du bâtiment : il y aurait d’un côté la générosité, l’humilité et la contrition du péché moderniste (comprendre low cost, développement durable et démocratie participative). Une posture qui a trouvé une forme d’accomplissement à la dernière Biennale de Venise. De l’autre, il y aurait l’égoïsme, l’ostracisme, l’apologie de l’argent et l’ostentation du pouvoir qu’elle permet d’exercer sur les autres. Une attitude magistralement incarnée par un promoteur immobilier spécialisé dans les casinos, les tours et les « resorts » pour nouveaux riches. Vous aurez reconnu l’antéchrist de l’architecture : Donald Trump.
Il faudra peut-être un jour s’intéresser à ce magnat de l’immobilier à la peau orange et à la houppe jaune, mais contentons-nous pour l’instant des hérauts de l’engagement social : dans l’échelle de la contrition des architectes, le dévouement porté à l’habitat participatif ou coopératif arrive largement en tête. L’élan artistique y est refoulé devant la parole donnée aux habitants, l’ego s’efface, l’individualisme est banni. Il est vrai qu’on les regarde souvent avec condescendance, ces architectes qui sacrifient leur carrière et leurs revenus dans des réunions nocturnes interminables avec des néobabas cools. L’architecture qu’ils produisent peine à déclencher des émotions esthétiques, et les revues d’architecture redoutent son ostensible manque de glamour.
Pourquoi alors nous y intéresser ce moi-ci? Parce que devant l’ultra-formatage de la commande et face au logement réduit à un vulgaire produit de consommation, ceux qui travaillent sur des projets d’habitat participatif ou de coopératives d’habitants sont les seuls à défricher des pistes alternatives. Ces formes d’autoconstruction mutualisées se développent énormément aujourd’hui, la loi ALUR les ayant d’ailleurs encouragées. Leur modèle économique est loin d’être performant et la réflexion architecturale qu’elles génèrent encore embryonnaire : c’est justement une bonne raison d’y consacrer une longue enquête.

Emmanuel Caille

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