Le confinement, ou le logement subi
On ne répétera jamais assez que si le logement est affaire d’architecture, il est surtout et d’abord tributaire de la manière de le produire. À l’échelle urbaine ou à celle de la cellule d’habitation, il est plus que jamais déterminé par un marché de plus en plus libéralisé tout en se concevant dans un cadre de plus en plus réglementé quant à sa forme et sa fabrication. S’il a toujours été un marqueur social, le XXe siècle a vu les inégalités dont il est le signe se résorber en partie. Mais le phénomène d’intensification de la métropolisation et la spéculation qu’elle génère ont entraîné ces dernières décennies un mouvement inverse. Le combat pour un logement décent accessible à tous est à nouveau plus nécessaire que jamais. C’est pourquoi nous consacrons le long dossier de ce numéro d’avril à ceux qui tentent de rompre la fatalité qu’imposent les modalités de fabrication conventionnelles du logement, modalités qui portent souvent en elles les germes de ces inégalités.
À l’heure du confinement imposé par la pandémie du Covid-19, la première des injustices apparaît dans toute sa cruauté : pour être confiné chez soi, il faut un chez-soi. Mais d’autres inégalités sont plus inattendues : vaut-il mieux être confiné dans un pavillon à Clichy-sous-Bois (3 000 euros/m2) ou dans un trois-pièces sur cour dans le Marais (14 000 euros/m2) ? Vaut-il mieux être dans un appartement haussmannien sans balcon ou dans un logement social avec de grandes loggias comme on les conçoit souvent aujourd’hui ? Lorsqu’il vous faut vivre en vase clos en famille, vaut-il mieux habiter un grand espace (style « loft » comme disent aujourd’hui les agents immobiliers), un type d’espace ouvert qu’affectionnent les architectes, ou est-il préférable de partager ces moments dans un banal quatre-pièces où chacun a son espace ? Si avoir un lieu pour habiter est encore trop souvent un luxe pour certains, le logement est aussi, pour le meilleur ou pour le pire et pour la première fois, massivement subi. Alors, et j’espère qu’en ces circonstances vous me pardonnerez cette naïveté, nous pourrions nous mettre à espérer que les grands médias – qui répètent ad nauseam les mêmes informations sur la pénurie de masques – prennent conscience que les qualités architecturales de nos lieux d’habitation puissent en ces heures exceptionnelles intéresser leurs lecteurs et téléspectateurs.
Emmanuel Caille
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On ne répétera jamais assez que si le logement est affaire d’architecture, il est surtout et d’abord tributaire de la manière de le produire. À l’échelle urbaine ou à celle de la cellule d’habitation, il est plus que jamais déterminé par un marché de plus en plus libéralisé tout en se concevant dans un cadre de plus en plus réglementé quant à sa forme et sa fabrication. S’il a toujours été un marqueur social, le XXe siècle a vu les inégalités dont il est le signe se résorber en partie. Mais le phénomène d’intensification de la métropolisation et la spéculation qu’elle génère ont entraîné ces dernières décennies un mouvement inverse. Le combat pour un logement décent accessible à tous est à nouveau plus nécessaire que jamais. C’est pourquoi nous consacrons le long dossier de ce numéro d’avril à ceux qui tentent de rompre la fatalité qu’imposent les modalités de fabrication conventionnelles du logement, modalités qui portent souvent en elles les germes de ces inégalités.
À l’heure du confinement imposé par la pandémie du Covid-19, la première des injustices apparaît dans toute sa cruauté : pour être confiné chez soi, il faut un chez-soi. Mais d’autres inégalités sont plus inattendues : vaut-il mieux être confiné dans un pavillon à Clichy-sous-Bois (3 000 euros/m2) ou dans un trois-pièces sur cour dans le Marais (14 000 euros/m2) ? Vaut-il mieux être dans un appartement haussmannien sans balcon ou dans un logement social avec de grandes loggias comme on les conçoit souvent aujourd’hui ? Lorsqu’il vous faut vivre en vase clos en famille, vaut-il mieux habiter un grand espace (style « loft » comme disent aujourd’hui les agents immobiliers), un type d’espace ouvert qu’affectionnent les architectes, ou est-il préférable de partager ces moments dans un banal quatre-pièces où chacun a son espace ? Si avoir un lieu pour habiter est encore trop souvent un luxe pour certains, le logement est aussi, pour le meilleur ou pour le pire et pour la première fois, massivement subi. Alors, et j’espère qu’en ces circonstances vous me pardonnerez cette naïveté, nous pourrions nous mettre à espérer que les grands médias – qui répètent ad nauseam les mêmes informations sur la pénurie de masques – prennent conscience que les qualités architecturales de nos lieux d’habitation puissent en ces heures exceptionnelles intéresser leurs lecteurs et téléspectateurs.
Emmanuel Caille
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