À qui la faute ?
Pourquoi nos paysages contemporains, pour l’essentiel dans le périurbain ou le périrural, sont-ils aussi désespérément médiocres ? Est-ce parce que la loi ne réglemente pas suffisamment les constructions ? Non, les règles sont même très contraignantes – quoique loin d’être judicieusement appliquées pour atténuer l’inexorable dégradation de nos territoires. Est-ce parce qu’il y a dans notre société une inculture générale de l’aménagement urbain et architectural ? Oui, certainement. Ceux qui les mettent en œuvre ne sont-ils pourtant pas des professionnels formés ? Si, alors sont-ils mal ou insuffisamment formés ? Certains le sont, visiblement. Le problème n’étant pas qu’il n’y ait pas assez d’architectes compétents mais étant que trop souvent l’inculture des uns se marie à l’incompétence des autres en une funeste connivence. Pour acculturer publics, édiles et promoteurs, la tâche est titanesque, ce qui ne nous dispense pas de le faire. Pour résoudre la question de l’enseignement, la mission paraît moins difficile, d’autant qu’une réforme en 2018 semblait promettre une revalorisation de statuts et des moyens pour les Écoles nationales supérieures d’architecture. Mais ces promesses, malheureusement, ne sont pas tenues.
La formation des architectes est dans une situation paradoxale. Pour la crédibiliser, son statut a été aligné sur celui des universités, soit une formation en cinq ans. Une durée déjà bien courte au regard d’une profession requérant force maturité, ainsi qu’une somme et une diversité considérable de connaissances et dont la complexité ne cesse de s’accroître. De fait, et sans doute également grâce au système de recrutement des enseignants et au numerus clausus à l’entrée des écoles, le niveau des étudiants diplômés s’est amélioré, au prix il est vrai pour ces derniers d’une charge de travail dont certains se plaignent aujourd’hui.
Mais qu’en est-il des enseignants ? Près de la moitié d’entre eux sont contractuels ou vacataires (payés au smic alors qu’ils ont un niveau master ou doctorat). Et aux autres, les titulaires, la réforme accorde désormais le statut d’« enseignant-chercheur » mais avec une charge face aux étudiants supérieure d’environ 40 % à celle des universités. Pourquoi si peu de moyens et surtout pourquoi faire passer une réforme dont on sait qu’elle restera vaine si les budgets et les créations de postes ne suivent pas ?
Certes, la qualité d’une formation n’est pas directement liée au revenu et au statut de ses enseignants, mais alors que le rôle des architectes dans la résolution de la crise environnementale est un des plus cruciaux, qu’il leur faut inventer de nouvelles manières d’habiter et de convaincre de la pertinence de leurs solutions, le manque de moyens chronique accordé à la formation des architectes est politiquement injustifiable.
Emmanuel Caille
www.darchitectures.com
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Pourquoi nos paysages contemporains, pour l’essentiel dans le périurbain ou le périrural, sont-ils aussi désespérément médiocres ? Est-ce parce que la loi ne réglemente pas suffisamment les constructions ? Non, les règles sont même très contraignantes – quoique loin d’être judicieusement appliquées pour atténuer l’inexorable dégradation de nos territoires. Est-ce parce qu’il y a dans notre société une inculture générale de l’aménagement urbain et architectural ? Oui, certainement. Ceux qui les mettent en œuvre ne sont-ils pourtant pas des professionnels formés ? Si, alors sont-ils mal ou insuffisamment formés ? Certains le sont, visiblement. Le problème n’étant pas qu’il n’y ait pas assez d’architectes compétents mais étant que trop souvent l’inculture des uns se marie à l’incompétence des autres en une funeste connivence. Pour acculturer publics, édiles et promoteurs, la tâche est titanesque, ce qui ne nous dispense pas de le faire. Pour résoudre la question de l’enseignement, la mission paraît moins difficile, d’autant qu’une réforme en 2018 semblait promettre une revalorisation de statuts et des moyens pour les Écoles nationales supérieures d’architecture. Mais ces promesses, malheureusement, ne sont pas tenues.
La formation des architectes est dans une situation paradoxale. Pour la crédibiliser, son statut a été aligné sur celui des universités, soit une formation en cinq ans. Une durée déjà bien courte au regard d’une profession requérant force maturité, ainsi qu’une somme et une diversité considérable de connaissances et dont la complexité ne cesse de s’accroître. De fait, et sans doute également grâce au système de recrutement des enseignants et au numerus clausus à l’entrée des écoles, le niveau des étudiants diplômés s’est amélioré, au prix il est vrai pour ces derniers d’une charge de travail dont certains se plaignent aujourd’hui.
Mais qu’en est-il des enseignants ? Près de la moitié d’entre eux sont contractuels ou vacataires (payés au smic alors qu’ils ont un niveau master ou doctorat). Et aux autres, les titulaires, la réforme accorde désormais le statut d’« enseignant-chercheur » mais avec une charge face aux étudiants supérieure d’environ 40 % à celle des universités. Pourquoi si peu de moyens et surtout pourquoi faire passer une réforme dont on sait qu’elle restera vaine si les budgets et les créations de postes ne suivent pas ?
Certes, la qualité d’une formation n’est pas directement liée au revenu et au statut de ses enseignants, mais alors que le rôle des architectes dans la résolution de la crise environnementale est un des plus cruciaux, qu’il leur faut inventer de nouvelles manières d’habiter et de convaincre de la pertinence de leurs solutions, le manque de moyens chronique accordé à la formation des architectes est politiquement injustifiable.
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