Abriter l’espace public
Halles, cohues, grenettes, rues et passages couverts, auvents, embans, couverts, préaux, galeries… Pendant des siècles, ces typologies majoritairement construites en bois ordonnancèrent les villes et furent les symboles de l’activité économique. En rendant l’espace public appropriable en toute saison, l’acte primitif d’abriter - de la pluie, d’un soleil trop chaud - semble avoir ainsi toujours eu le pouvoir de stimuler l’interaction sociale, l’échange et le commerce. Formes d’aménités de l’espace public, les toitures auraient cette capacité de fabriquer des lieux, de les mettre en exergue. C’est en tout cas le pari de nombreux acteurs de l’aménagement, à l’heure où l’on constate à quel point le développement commercial périurbain et le zoning des programmes tertiaires ont provoqué une dislocation de l’urbanité. La typologie de la halle, déclinée sous toutes les formes et échelles, incarne ainsi de nouveau le lien social et le commerce de proximité, en devenant une figure majeure des politiques de revitalisation des cœurs de ville. Dans les environnements moins urbanisés, où la naturalité prédomine, l’abri joue aussi le rôle de polarité, de repère spatial voire de refuge pour être au sec, pour prendre une pause. Fondamentalement polyvalents, les espaces ouverts-couverts d’aujourd’hui abritent food-trucks, marchés, expositions, projections, conférences et enseignements divers, festivités, sportifs, voire connectique pour cyber-promeneurs. Avec des moyens limités, ils confèrent de nouveaux usages à l’espace public, qui apparaît revalorisé. Hors d’eau mais ouverts au grand air, ils peuvent se limiter à la plus simple expression de leur structure, renouant en cela avec une forme élémentaire et épurée d’architecture. À l’heure où la réglementation incendie contraint à largement camoufler les structures bois (voir dossier p.37), il semble y avoir pour les architectes un réel plaisir à se saisir de ces programmes plus libres pour renouer avec une expressivité constructive que le matériau bois n’a de cesse de suggérer.
Ce numéro marque par ailleurs le lancement de la rubrique Exploration.s, dédiée à des innovations et expérimentations architecturales menées dans le milieu universitaire, industriel, ainsi que dans les ateliers d’architectes et d’artisans.
Sarah Ador