De l’audace des surfaces aux sagaces interfaces
Si le bois trouve une place grandissante dans nos environnements urbains, le greenwashing n’a jamais autant sévi. Bien souvent, la façade bois sert de faire-valoir d’une posture (supposément) écolo, quitte à cacher un système constructif absolument conventionnel. Hélas, la façade bois est LE sujet sensible de la construction bois, peut-être celui qu’il faudrait manier avec le plus d’expertise, car cette partie de l’édifice réagit non seulement aux intempéries, mais surtout, en milieu urbain, aux effets de la pollution. L’exposition d’un matériau vivant à ces contraintes constitue toujours un défi, qu’il est important de mesurer pour ne pas décrédibiliser la filière aux yeux de nos commanditaires. Les projets présentés dans ce numéro, conçus par des architectes rompus à l’exercice, permettent de décrypter les solutions qu’ils pratiquent. On mesure que, loin de n’être que jeux de matières et d’abstraites compositions géométriques, les façades sont avant tout des systèmes multicouches particulièrement techniques. Tantôt tectoniques, structurellement expressives, tantôt « manteaux », interchangeables, elles illustrent autant de positionnements esthétiques et constructifs, de partis pris à l’égard de la ville, véhiculant valeurs et identités liées aux acteurs du projet et aux particularités du programme. Au-delà de questions d’épaisseur d’isolant et d’étanchéité absolue, les façades doivent assumer leur rôle d’interface, où se jouent les porosités que l’architecture entretient avec son milieu. Elles doivent être prises comme autant d’opportunités créatives pour moduler les rapports intérieur-extérieur, mais aussi entre perceptions urbaines et fonctionnement interne. Vivant, compatible avec les autres éco-matériaux, le bois offre de nouvelles manières de penser cette membrane qui ne devrait pas nous isoler du monde mais nous permettre d’habiter confortablement les lieux que nous élisons pour vivre.
Sarah Ador